05.05.2005 Publié dans Contentieux, Marchés publics

Les recours en cas d’éviction

Face à l’éviction irrégulière, ou présumée comme telle, d’un marché public, le candidat malheureux dispose essentiellement de deux recours devant le Tribunal administratif : le référé précontractuel avant la signature du marché et le recours indemnitaire après.

LE REFERE PRECONTRACTUEL

Dans le cadre de la passation d’un contrat public, dès que la personne publique a fait son choix sur une offre, elle avise tous les candidats non retenus. Elle doit alors respecter un délai d’au moins dix jours avant de signer le contrat. Dans ce laps de temps, le candidat peut saisir le juge du référé précontractuel.

Les personnes ayant intérêt à agir devant le juge du référé précontractuel « sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat » et qui sont susceptibles d’être lésées par un « manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public » (article L 551-1 du Code de justice administrative). Le juge doit absolument être saisi avant la signature du marché. Dans le cas inverse, le juge prononcera un non-lieu à statuer. Pour éviter que cette signature n’intervienne entre le dépôt de la requête et la date d’audience, il convient de demander au juge d’enjoindre à l’administration de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure. L’audience intervient sous vingt jours.

Les pouvoirs du juge du référé. Il sanctionne objectivement la violation des obligations de publicité et de mise en concurrence « sans avoir à rechercher si ces irrégularités sont à l’origine d’un préjudice causé à la société requérante ». Peuvent être invoqués différents manquements tels que les irrégularités commises dans les avis de publicité ou le défaut d’information cohérente des candidats sur les documents nécessaires pour formuler une offre. S’il n’appartient pas au juge du référé d’annuler le contrat lui-même, il peut suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler toute décision relative à la passation du contrat ou encore ordonner au responsable du manquement de se conformer à ses obligations.

LE RECOURS INDEMNITAIRE

Le candidat dont l’offre a été irrégulièrement rejetée par le pouvoir adjudicateur peut demander au juge administratif réparation du préjudice qu’il a subi du fait de son manque à gagner.

Conditions du recours. L’entreprise devra d’abord prouver que son éviction est irrégulière. Sur ce point, la jurisprudence administrative est tellement restrictive que l’on peut affirmer, sans trop de risque, que la majorité des marchés publics français conclus aujourd’hui sont entachés d’irrégularités. L’entreprise devra ensuite démontrer qu’elle « n’était pas dépourvue de toutes chances » de remporter le marché ou, mieux encore, qu’elle avait des « chances sérieuses » d’emporter ce marché.

Modalités d’indemnisation. Si l’entreprise concernée avait certaines chances de remporter le marché, elle a droit au seul remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre. Mais si elle avait des « chances sérieuses » d’emporter ce marché, le juge lui reconnaît alors le droit d’être indemnisée à hauteur du bénéfice net qu’aurait pu procurer le marché. Pour évaluer l’indemnisation, le magistrat prend notamment en compte le contexte concurrentiel et la marge bénéficiaire habituellement réalisée.

Ces deux procédures peuvent être engagées successivement : la première, dans l’urgence, permet éventuellement d’obtenir le marché convoité alors que la seconde, plus longue, vise à réparer le manque à gagner. L’éviction d’un marché public n’est donc pas une fatalité.