Les rapports contractuels nés de la passation d’un marché public de travaux s’éteignent par la réalisation de deux évènements : la réception de l’ouvrage et l’établissement du décompte général et définitif.
Le rôle respectif de ces deux évènements a été récemment précisé par le Conseil d’Etat.
La nature du litige
Suite à un glissement de terrain survenu sur le chantier de construction d’une maison de retraite, le Centre Hospitalier Général de Boulogne-sur-Mer a recherché la responsabilité de ses maîtres d’oeuvre et des titulaire des marchés. L’ouvrage ayant fait l’objet d’une réception sans réserve, les premiers juges avaient considéré que le Centre Hospitalier ne pouvait plus invoquer la responsabilité contractuelle des constructeurs à raison de l’accident survenu. Les juges du fond avaient en outre estimé que, lors des opérations de réception, les maîtres d’oeuvre n’avaient pas failli à leurs obligations de conseil.
Le Conseil d’Etat a censuré ces décisions en précisant le rôle respectif de la réception et du décompte général et définitif.
La décision du Conseil d’Etat
La réception consiste à constater la livraison d’un ouvrage conforme aux prescriptions contractuelles. Elle met donc fin aux obligations sur le plan technique uniquement. Le décompte général et définitif marque l’achèvement des relations contractuelles sur le plan financier.
En d’autres termes, la seule réception de l’ouvrage ne met pas fin à la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs. Tout dommage postérieur à la réception demeure susceptible d’engager cette responsabilité.
Seul l’établissement du décompte général et définitif permet de faire barrage à l’invocation de cette responsabilité par le maître de l’ouvrage.
C’est à ses dépens que le Centre Hospitalier a appris cette règle contractuelle.
Le risque lié à l’absence de réserve
L’ Hôpital avait délivré en effet, à un seul de ses cocontractants, à la fois une réception sans réserve et un décompte général, également sans réserve, lui donnant ainsi un caractère définitif.
De ce fait, le cocontractant a pu échapper à sa responsabilité.
Celle-ci avait pourtant été retenue par un expert à hauteur de 30% du préjudice total du Centre Hospitalier estimé à 612 061,27 €.
Certes, le Centre Hospitalier avait appelé en garantie ses maîtres d’oeuvre dont le devoir de conseil s’applique, notamment, à l’occasion de l’établissement du décompte général.
Toutefois, le Conseil d’Etat a considéré que le Centre Hospitalier avait commis une faute inexcusable en acceptant de signer sans réserve le décompte général, alors qu’il n’ignorait pas l’existence de l’accident en cause.
Cette faute a permis d’exonérer la responsabilité des maîtres d’oeuvre à hauteur de 50%; soit une perte pour l’hôpital d’environ 92 000 €.
Véritable mise en garde pour la maîtrise d’ouvrage publique, cet arrêt précise le rôle respectif des documents mettant fin aux relations contractuelles et souligne, ainsi, toute l’importance que revêt l’émission de réserves lors de l’établissement du décompte général.