15.10.2008 Publié dans Marchés publics, Passation

Le droit à l’information des candidats à un marché public

Au nom du principe de transparence des procédures (article 1er du CMP), le droit à l’information des candidats à l’obtention d’un marché public s’exerce à différents stades de la passation dudit marché.En premier lieu, il s’agit naturellement du droit d’être informé de la passation du marché par le biais des mesures de publicité mises en place par le pouvoir adjudicateur.

En dernier lieu, cette information est délivrée par l’avis d’attribution (article 85 du CMP) et par la publication annuelle de la liste des marchés supérieurs à 4 000 € HT (arrêté du 26 décembre 2007 pris en application de l’article 133 du CMP).

Entre cet alpha et cet oméga, le candidat a également le droit d’être informé de l’abandon ou de la relance des procédures de passation (article 80.II du CMP), mais surtout, lorsqu’il n’est pas retenu, il a le droit de connaître les motifs du rejet de son offre et peut exiger la communication des documents du marché.

I. L’INFORMATION DES CANDIDATS NON RETENUS

Les articles 80.I et 83 du Code des marchés publics prévoient une information du candidat non retenu en deux temps.

1.1 L’information spontanée du rejet de l’offre.

Aux termes de l’article 80.1.1 du CMP :

« pour les marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur avise, dès qu’il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres, en indiquant les motifs de ce rejet. Un délai d’au moins dix jours est respecté entre la date à laquelle la décision de rejet est notifiée aux candidats dont l’offre n’a pas été retenue et la date de signature du marché ou de l’accord-cadre ».

Il ressort de cet article que l’obligation d’information automatique et spontanée de l’acheteur public est limités aux seules procédures formalisées. Il s’agit de l’appel d’offres ouvert ou restreint, des procédures négociées, du dialogue compétitif, du concours et du système d’acquisition dynamique.

Les marchés à procédure adaptée (MAPA) ne sont donc pas concernés.

Toutefois, le principe de sécurité juridique invite au respect de ses dispositions également en matière de MAPA.

Le contenu de cette information spontanée peut être sommaire, voire se contenter d’indiquer uniquement que l’offre est rejetée, sans autre précision.

L’article 83 du CMP prévoit à cet effet la possibilité d’obtenir sur demande écrite les motifs détaillés du rejet (Cf. infra).

L’article 80.I.1 précité prévoit en outre le respect d’un délai de 10 jours minimum entre la notification du rejet de l’offre et la signature du marché.

Le texte ne précise pas s’il s’agit d’un délai franc ou d’un délai calendaire.

La jurisprudence doit inciter l’acheteur public à respecter un délai franc, à savoir 11 jours minimum.

Le non-respect de ce délai entache d’irrégularité la signature du contrat et implique nécessairement l’illégalité du contrat lui-même.

Ce délai a été instauré afin de permettre aux candidats évincés de saisir le Juge du référé-précontractuel.

Toutefois, en cas de signature « prématurée » du contrat par l’autorité compétente, le Juge administratif considère ma signature comme existante et déclare irrecevable la requête du candidat évincé.

La position du Conseil d’Etat en la matière est tout à fait critiquable dans la mesure où elle vide en grande partie de son sens l’article 80 du Code. On peut espérer que la transposition prochaine de la Directive Recours viendra remédier à ce non-sens juridique.

1.2 L’information sur demande des motifs détallés du rejet.

L’article 83 du CMP dispose que : « Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite, à tout candidat écarté qui en fait la demande les motifs détaillés du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout candidat dont l’offre n’a pas été rejetée pour un motif autre que ceux mentionnés au III de l’article 53, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l’accord-cadre. »

Contrairement à l’article 80, l’article 83 prévoit une information non plus spontanée mais uniquement sur demande écrite. Dans ce cas, la réponse devra être écrite. A l’inverse, en cas de demande orale, une réponse orale pourrait être suffisante.

Il est à noter que cet article comporte une maladresse rédactionnelle. En effet, l’article 83 impose du pouvoir adjudicateur de communiquer dans un délai de 15 jours : « à tout candidat dont l’offre n’a pas été rejetée pour un motif autre que ceux mentionnés au III de l’article 53, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ».

Après un effort intellectuel certain, on peut comprendre la phrase comme suit : seuls les candidats dont l’offre a été jugée irrégulière, inacceptable, peuvent demander communication des caractéristiques et avantages de l’offre retenue.

Or, ce type d’informations est habituellement réservé aux candidats dont l’offre a été jugée recevable mais rejetée parce qu’elle n’était pas économiquement la plus avantageuse.

Le toilettage du Code annoncé par la Direction des affaires juridiques de Bercy devrait heureusement remédier à cette maladresse.

En attendant, il faut naturellement faire abstraction de la négation contenue dans cet article et communiquer les « caractéristiques et avantages relatifs à l’offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché » au candidat évincé dont l’offre avait préalablement été jugée recevable.

Enfin, contrairement aux Codes 2001 et 2004, le Code 2006 n’oblige plus à fournir l’information relative au montant du marché attribué, collant ainsi de plus près aux dispositions des Directives communautaires.

En dehors de l’information dite détaillée du rejet de son offre, le candidat évincé, mais également les tiers, peuvent obtenir, au titre de la loi de 1978 sur la communication des documents administratifs, différentes pièces du marché.

II. LA COMMUNICATION DES PIECES DU MARCHE EN TANT QUE DOCUMENTS ADMINISTRATIFS

Ce droit à l’information se fonde sur l’article 2 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre les administrations et le public.

La commission d’accès aux documents administratifs (CADA) considère qu’une fois le marché attribué, l’ensemble des documents composant la procédure de passation perdent leur caractère préparatoire et deviennent, en principe, communicables à toute personne qui en fait la demande.

Toutefois, en application de l’article 6 de la loi de 1678 précitée, ce droit d’accès doit s’exercer dans le strict respect du secret en matière industrielle et commerciale, lequel recouvre le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières et le secret des stratégies commerciales (CADA 15 juin 2006 n°20062458).

A ce titre sont exclus de la communication les éléments suivants :

  • les mentions relatives aux moyens techniques et humains;
  • la certification de système de qualité;
  • les certifications des tiers parties;
  • les certificats de qualification concernant la prestation demandée;
  • les mentions concernant le chiffre d’affaires;
  • les coordonnées bancaires;
  • les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics.

Dans ces limites, sont susceptibles d’être communiquées les pièces suivantes :

  • les délibérations instituant la commission d’appel d’offres autorisant le lancement de la consultation et la signature du marché;
  • les convocations des conseillers municipaux qui ont délibéré sur ces points (CADA 5 février 2004 n°20040605).

Sont évidemment communicables par principe :

  • les avis de marché et leurs justificatifs;
  • les cahiers des charges;
  • le CCAP;
  • le règlement de la consultation;
  • le CCTP (CADA 22 janvier 2004 n°20040303);
  • la lettre de consultation (AO restreint);
  • les correspondances échangées avec les candidats, dont les réponses aux questions complémentaires adressées par les entreprises;
  • les candidatures;
  • les déclarations sur l’honneur;
  • les attestations fiscales sauf mention couverte par le secret en matière commerciale et industrielle, tel que le chiffre d’affaires (CADA 10 janvier 2002 n°20020024);
  • la lettre de candidature (DC4);
  • l’état annuel des certificats reçus (DC7);
  • la déclaration du candidat (DC5), sous réserve naturellement du respect du secret industriel et commercial (CADA 21 décembre 2006 n°20065427)
  • en revanche, le mémoire technique n’est pas communicable (CADA 11 juillet 2006 n°20062949);
  • le registre de dépôt et d’enregistrement des offres et le procès verbal d’ouverture des enveloppes (CADA 5 juillet 2007 n°20072665);

Concernant les documents établis par la CAO, peuvent être communiqués :

  • la liste des candidats invités à négocier (CADA 28 SEPTEMBRE 2006 n°20064121);
  • les procès-verbaux et rapports de la CAO relatifs à l’analyse et au classement des offres, ainsi qu’au choix de l’attributaire, toujours sous couvert du respect en matière industrielle et commerciale.

Concernant les entreprises non retenues, les mentions relatives à leurs offres sont couvertes par le secret en matière commerciale et industrielle et ne sont donc pas communicables aux tiers (CA 4 juillet 2005 SILLAIRE req. n°269177). De même, la CADA estime que le détail de leur offre n’est pas communicable afin de ne pas fausser la concurrence et de ne pas porter atteinte au secret industriel (CADA 18 décembre 2003, Président de la Communauté de communes Pays de Santon).

En définitive, s’agissant des entreprises non retenues, seule leur offre de prix global peut être communiquée (CADA 27 avril 2006 n°20061836).

A propos des éléments de notation et de classement des offres, la CADA est venue préciser que les notes et classement des entreprises non retenues ne sont communicables qu’à celles-ci (CE 4 juillet 2005 SILLAIRE req. n°269177).

S’agissant des documents relatifs à l’entreprise retenue, sont communicables :

  • les notes, classement et éventuelle appréciation de l’entreprise lauréate (CADA 25 octobre 2007 n°20074116);
  • l’offre détaillée de l’entreprise retenue, dès lors qu’elle reflète le coût du service public ou qu’elle ait une pièce contractuelle;
  • les références et marques des produits de l’offre retenue et plus précisément uniquement les références publiques de l’entreprise attributaire et non les références correspondants à des personnes de droit privé n’exerçant pas une mission de service public;
  • l’ensemble des documents déterminants les conditions de prix arrêtés entre l’administration et l’entreprise retenue;
  • le bordereau de prix unitaires;
  • le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire, ainsi que le détail quantitatif et estimatif.

Le Conseil d’Etat considère que seuls les noms et prénoms des dirigeants des entreprises retenues peuvent figurer sur un document communiqué, mais non leur adresse ou leur âge.

Concernant les documents relatifs à la fin de la procédure, peuvent être communiqués :

  • la lettre de clôture à la négociation (CADA 1er avril 2004 n°20041307;
  • le procès verbal d’attribution des offres (CADA 28 août 2003 n°20033195);
  • la lettre de notification du marché;
  • le dossier détenu par les services de la DGCCRF (CADA 20 janvier 2005 n°20050423);
  • le rapport de présentation du marché visé à l’article 79 du CMP.

Enfin, s’agissant des documents financiers et comptables, sont communicables :

  • les variantes et les options (CADA 19 février 2004 n°20040635);
  • les documents relatifs aux quantités et aux conditions de prix. Dans ce cadre, peut être également sollicité au titre de la loi 2000-321 du 12 avril 2000 relative au droit des citoyens dans leur relation avec les administrations, les différends budgets et comptes des collectivités publiques et de leurs établissements, ainsi que les budgets et comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention.

En ce qui concerne la procédure, l’administration dispose d’un délai de 1 mois pour répondre à la demande de communication.

A l’issue de ce délai et en cas de silence gardé par l’administration, la CADA peut être saisie sous un délai de 2 mois, à compter de l’enregistrement de la demande d’avis, la CADA dispose à nouveau d’un délai de 1 mois pour faire connaître son opinion.

En règle générale, la CADA rend un avis favorable à la communication du document litigieux même si cet avis est souvent assorti de réserves liées aux passages devant être occultés.

Néanmoins,, les avis de la CADA ne sont que de simples avis que l’administration n’est pas obligée de suivre.

Dans cette hypothèse, le demandeur éconduit pourra toujours saisir le Juge administratif.