Les entreprises sont souvent candidates à l’obtention d’une commande publique (marché de travaux, de fournitures ou de services). Si elles estiment que leurs offres ont été irrégulièrement rejetées par le pouvoir adjudicateur, elles peuvent demander au juge administratif réparation du préjudice qu’elles ont subi du fait de leur manque à gagner.
Pour obtenir réparation, l’entrepreneur doit démontrer :
- Que son éviction est irrégulière
- Que son entreprise « n’était pas dépourvue de toutes chances » de remporter le marché ou, mieux encore, que son entreprise avait des « chances sérieuses » d’emporter ce marché.
L’objet de la présente lettre n’est pas de lister les très nombreuses illégalités dont peuvent être entachés les marchés publics. La jurisprudence administrative est en effet tellement restrictive que l’on peut affirmer, sans trop de risque, que la majorité des marchés publics français conclus aujourd’hui sont illégaux.
Aussi, les développements qui suivront ne concerneront que les modalités d’indemnisation du candidat illégalement évincé.
En la matière, le juge administratif raisonne en deux temps.
Il vérifie d’abord si l’entreprise concernée avait certaines chances de remporter le marché. Dans ce cas, l’entreprise a droit, en principe, au seul remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre.
Le juge s’attache ensuite à rechercher si cette entreprise avait des chances sérieuses d’emporter ce marché. Il reconnaît alors à cette entreprise le droit d’être indemnisée de son manque à gagner incluant, nécessairement, les frais de présentation de l’offre (Conseil d’état, 18 juin 2003, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe, requête nº 249630).
Bien évidemment, face à un candidat privé d’une chance sérieuse de remporter le marché, le juge administratif va adapter sa méthode de calcul de l’indemnité au cas dont il est saisi.
En tout état de cause, il déterminera le manque à gagner de l’entreprise en fonction du bénéfice net qu’aurait procuré le marché si celle-ci l’avait obtenu.
Le magistrat apprécie ce manque à gagner en fonction de divers éléments tels que :
- Le contexte concurrentiel (par exemple, le manque à gagner représentera environ 10 % du prix du marché dans le secteur du gros œuvre en bâtiment contre 25 % en matière de construction navale) ;
- La marge bénéficiaire habituellement réalisée par le type d’entreprise concerné ;
- Le niveau de l’offre de prix par rapport au prix du marché estimé par le pouvoir adjudicateur.
Du point de vue de la procédure, l’entreprise dispose d’un délai de quatre années pour adresser une demande d’indemnisation (précisément chiffrée) à la personne publique concernée. Si cette dernière refuse d’y faire droit, l’entreprise devra alors saisir le Tribunal administratif compétent.
Certes, la procédure administrative est traditionnellement longue mais l’indemnisation quelle peut engendrer est non négligeable. Cette indemnisation peut en outre avoir un véritable impact sur l’image de marque et la réputation de l’entreprise au sein d’un secteur concurrentiel très à l’affût du succès ou de l’infortune des uns et des autres. Elle a enfin une influence auprès des personnes publiques qui prennent ainsi conscience du sérieux et du professionnalisme de l’entreprise, éventuel attributaire d’un prochain marché.