Par arrêt en date du 23 février 2005, le Conseil d’Etat a annulé le premier alinéa de l’article 30 du Code des marchés publics relatif à la procédure de passation dite « allégée » des marchés de services autres que ceux visés à l’article 29 du même Code (Conseil d’Etat, 23 février 2005, Société Localjuris Formation, requête n° 264.712).
Les dispositions qui viennent d’être annulées précisaient que :
« Quel que soit leur montant, les marchés publics de services qui ont pour objet des prestations de services ne figurant pas à l’article 29 sont soumis, en ce qui concerne leur passation, aux seules obligations relatives à la définition des prestations par référence à des normes, lorsqu’elles existent, ainsi qu’à l’envoi d’un avis d’attribution lorsque leur montant atteint 230 000 Euros HT. »
Rappelons que l’article 29 dresse la liste de 16 catégories de marché de services (entretien, transport, télécommunications, publicité, voirie, etc…) et que sont donc concernés par l’article 30 tous les autres marchés de services.
En pratique, l’article 30 permettait aux personnes publiques de ne pas lancer de procédure d’appel d’offres pour un très grand nombre de marchés tels que, notamment, les marchés de restauration, de formation ou de prestations intellectuelles comme, par exemple, les marchés d’assistance juridique.
Les raisons d’une telle annulation
Le Conseil d’Etat a considéré qu’en vertu des principes de l’article 1er du Code des marchés publics, le premier alinéa de l’article 30 « ne pouvait, sans méconnaître les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, dispenser de façon générale la passation de tous ces contrats d’une procédure adéquate de publicité et de mise en concurrence ».
Le Conseil d’Etat a donc jugé que l’article 30 méconnaissait gravement les garanties de protection juridique des candidats à l’obtention des marchés de services. En effet, ces marchés n’étaient pas soumis à l’obligation de rédaction du rapport de présentation visé à l’article 75 du Code, ni même à l’obligation de transmission au préfet dans le cadre du contrôle de la légalité.
Par ailleurs, l’article 30 interdisait à un candidat évincé de faire valoir ses droits car il n’avait en pratique connaissance de la passation du marché que si celui-ci faisait l’objet de la publication d’un avis d’attribution.
Les conséquences de cette annulation
Elles sont de deux ordres.
D’une part, l’annulation prononcée par le Conseil d’Etat étant d’effet immédiat, tous les contrats exécutés ou en cours d’exécution selon les modalités de l’article 30 et n’ayant pas fait l’objet de publicité ou mise en concurrence sont entachés d’illégalité. Si le juge administratif n’est pas saisi d’une demande d’annulation du marché de services, celui-ci pourra perdurer. En revanche, en cas de contentieux, le juge sera, en principe, amené à annuler ces marchés désormais irréguliers.
Une épée de Damoclès pèse donc sur l’exécution de dizaines de milliers de marchés de services passés en procédure allégée.
D’autre part, les marchés de services visés à l’article 30 sont désormais soumis aux dispositions générales du Code des marchés publics et, notamment, à l’obligation de publication d’un avis d’appel public à la concurrence.
Cet arrêt qui s’inscrit dans la logique communautaire de transparence des marchés publics, doit amener les personnes publiques et les entreprises titulaires des marchés en cours à faire preuve d’une très grande vigilance.
Quant aux entreprises qui n’ont pas pu candidater, elles doivent rapidement étudier l’éventualité de recours à l’encontre des marchés concernés.
L’arrêt du Conseil d’Etat du 23 février 2005 va certainement faire parler de lui.