05.05.2020 Publié dans Exécution, Marchés publics

Crise sanitaire et reprise des chantiers

 

Nos clients maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre ou entreprises s’interrogent sur les modalités de reprise du chantier dans le cadre de l’exécution d’un marché public de travaux. La reprise du chantier est une décision unilatérale de la maîtrise d’ouvrage prise par ordre de service.

Selon l’article 3.8 du CCAG Travaux, en cas de suspension de l’exécution des travaux, le maître d’ouvrage prend un ordre de service qui doit être écrit, daté, numéroté et adressé au titulaire du marché par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout moyen équivalent permettant d’obtenir une date certaine de réception.

L’ordre de service de suspension doit être motivé. Par parallélisme des formes, c’est au maître d’ouvrage qu’il revient de prendre l’ordre de service de reprise. Là encore, il est conseillé de motiver l’ordre de service.

De même, le maître d’ouvrage peut décider l’ajournement sur le fondement de l’article 49 du CCAG Travaux. Dans ce cas, c’est à lui qu’il reviendra de mettre fin à l’ajournement par une décision unilatérale prise par ordre de service.

Une fois la décision de reprise de chantier actée, des constats contradictoires doivent être réalisés et organisés par le maître d’œuvre qui devra établir des procès-verbaux. L’entreprise dispose de la faculté de signer le constat avec réserves ; elle devra confirmer ses réserves par écrit au maître d’œuvre.

L’entreprise pourra exiger un avenant pour acter la reprise du chantier et formuler des réserves sur l’ordre de service de reprise notamment sur la garde du chantier, sur les coûts supplémentaires liés à la crise sanitaire et sur les délais d’exécution.

S’agissant des conditions de poursuite du chantier, il convient de rappeler que pèse sur le maître d’ouvrage une obligation de sécurité et qu’il est de sa responsabilité de mettre en œuvre les principes généraux de prévention (article L.4121-2 du code du travail). Il doit prendre les mesures pour éviter les risques (article L. 4121-2 1°), planifier la prévention des risques (article L. 4121-2 7°) et prendre des mesures de protection collective et des mesures de protection individuelles (article L. 4121-2 8°).

En outre, le maître d’ouvrage engage sa responsabilité pénale s’il impose la poursuite des travaux alors qu’il existe un risque de contamination et qu’il n’a pas pris les mesures de prévention nécessaires.

S’agissant des mesures de prévention, le guide élaboré par l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP) « de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction-Covid-19 », et qui a reçu l’agrément des ministères du Travail, de la Transition écologique et solidaire, de la Ville et du Logement, des Solidarités et de la Santé (version du 10 avril 2020), contient un certain nombre de précautions qui devront être mises en œuvre.

Il est à noter que si ce guide n’a pas de portée normative, il a néanmoins une valeur contraignante dans la mesure où c’est l’unique document en la matière qui résulte d’un compromis entre le gouvernement et les professionnels du BTP.

Il peut être conseillé aux maîtres d’ouvrage de conclure un avenant avec les entreprises afin d’acter les mesures à mettre en œuvre, la prolongation des délais, le volet indemnitaire et le partage des coûts communs supplémentaires liés aux mesures.

Par ailleurs, le guide de l’OPPBTP préconise aux maîtres d’ouvrage, au titre de leur obligation de sécurité, de « formaliser une liste des conditions sanitaires » de reprise du chantier. Il n’y a pas de cadre imposé pour cette liste qui pourra prendre la forme d’un document dématérialisé que les maîtres d’ouvrage demanderont, le cas échéant, aux maîtres d’œuvre et CSPS de préparer puis de mettre à jour.

Au titre de sa mission d’ordonnancement, de pilotage de chantier mais aussi de suivi de l’exécution des travaux, le maître d’œuvre pourra être conduit à élaborer ce document, a fortiori, lorsqu’il n’y a pas de CSPS.

Dans tous les cas, il demeure opportun de conseiller aux maîtres d’ouvrage de désigner un CSPS même lorsqu’il n’est pas obligatoire et qu’il n’y a pas de co-activité sur le chantier.

Lorsqu’il y a un CSPS, il est nécessaire de mettre à jour le plan général de coordination (PGC) pour la reprise du chantier. En cas d’impossibilité de limiter la co-activité, ce PGC mis à jour pourra prévoir de fixer des heures d’arrivée différenciées sur les chantiers, de rajouter des parkings (à raison de l’augmentation des véhicules individuels), d’étaler dans le temps les livraisons de matériaux, de respecter la distance d’un mètre ou, à défaut de pouvoir respecter cette distance, de porter des gants, des lunettes et un masque etc.

Les entreprises mais aussi le maître d’œuvre pourront formuler des réserves sur le PGC mis à jour qui sera transmis soit par ordre de service, soit par mail du CSPS ou du maître d’ouvrage.

Chaque intervenant, maître d’œuvre ou entreprise, est responsable de ses propres salariés et devra mettre en place des mesures de prévention à leurs égards :

– Leur adresser un questionnaire de santé ;

– Limiter le nombre de personnes dans un même lieu ;

– Respecter la distance d’un mètre ;

– Prévoir un point d’eau avec du savon (responsabilité du maître d’ouvrage)

– Nettoyer les véhicules et désinfecter les outils ;

– Etc.

Certaines mesures pourront être prises en charge dans le cadre du compte prorata des dépenses communes.

En cas d’impossibilité de respecter les préconisations, l’entreprise/le maître d’œuvre devra justifier cette impossibilité, en fournissant par exemple la preuve qu’elle/il a cherché à commander des masques mais n’a pas pu s’en procurer (les types de masque à utiliser sont évoqués en page 3 du guide).

Par ailleurs, le guide de l’OPPBTP recommande aux maîtres d’ouvrage de « désigner un référent Covid-19 chargé de coordonner les mesures à mettre en œuvre ». De manière générale, le référent Covid-19 sera garant du contrôle de la bonne application des mesures de sécurité sanitaire.

Un référent Covid-19 devra être désigné par entreprise, par intervenant et par chantier. Une fois le référent Covid-19 désigné, il est conseillé de transmettre à tous les acteurs du chantier ses coordonnées. Un collège de référents Covid-19 pourra être mis en place sous l’égide de l’OPC.